Rencontre avec Frédéric Nicolas, Apache Architectes

#Architectes Publié le 6 septembre 2023 par L'Echo de la Baie

Depuis plus de quarante ans, Frédéric Nicolas explore, adapte, confronte, partage les ressources de l’architecture bioclimatique au profit des usagers et de l’environnement. Une démarche multiprimée, encore récemment par le prix de la construction bois en Provence-Alpes-Côte d’Azur décerné à l’Espace départemental des solidarités d’Apt, signé avec Hervé Meyer et Angela Moragues, le binôme occitan de la nouvelle tribu Apache Architectes, et PHM architectes associés. Rencontre.

L’Echo de la Baie : Quelle a été votre première rencontre avec l’architecture ?

Frédéric Nicolas : Mon père, ingénieur, travaillait dans une entreprise de travaux publics et nous visitions les chantiers pendant les vacances… Parmi eux, celui de la gare Montparnasse, pour lequel mon frère et moi, enfants, nous sommes amusés à rédiger un cahier de l’avancement des travaux. Clairement, l’architecture m’a très vite beaucoup plus attiré que les études d’ingénieur.

À 21 ans, en 1974, vous co-publiez La face cachée du soleil*, qui s’avère un succès de librairie avec plus de 40 000 exemplaires vendus. Comment arrivez-vous si tôt à cet engagement en faveur de la construction écologique ?

Outre la rencontre avec l’enseignement de Georges et Jeanne-Marie Alexandroff, très investis dans l’utilisation de l’énergie solaire, le contexte de l’époque nous a incités, avec Marc Vaye, à aller voir aux États-Unis ce qu’il s’y faisait. Nous y avons rencontré le pape de l’architecture solaire, Steve Baer, et en sommes revenus avec l’idée de traduire en français l’ouvrage de Farrington Daniels, The Direct Use of the Sun’s Energy. Mais c’était tellement fastidieux qu’on a écrit La face cachée du soleil !

Comment cet engagement a-t-il évolué au fil de votre pratique ?

Dans les années 1970-1980, les économies d’énergies ont fourni le prétexte pour proposer une réflexion architecturale avant d’être technique, avec une réponse axée sur la conception du bâtiment. Sont venues ensuite s’y greffer les questions environnementales, avec la prise de conscience de la limitation des énergies fossiles et la notion de développement durable. Aujourd’hui, un enjeu primordial est de favoriser le confort d’été et d’anticiper l’accélération du réchauffement climatique en évitant la climatisation. Ce pourquoi on dispose déjà de multiples techniques et dispositifs.

Autre problématique clé : la performance énergétique accrue du bâtiment rend prépondérant son coût énergétique à la construction, en termes aussi bien de KWh que d’émissions de CO2. Pour le diminuer, le choix des matériaux est déterminant. L’un des atouts du bois est d’être le seul qui absorbe du CO2 pour sa production.

Mes premières constructions bois, il y a plus de 30 ans, m’ont convaincu de ses nombreux autres avantages : la filière sèche, la rapidité de mise en œuvre, la qualité de réalisation et de détail du fait de la réalisation en atelier… Mais je suis un partisan de la formule de Dominique Gauzin-Müller**, qui définit l’architecture raisonnée comme celle qui met en œuvre la juste quantité du bon matériau au bon endroit. Le bois ne suffit d’ailleurs pas pour résoudre les problématiques de confort d’été. La terre est le matériau complémentaire idéal ; ou la pierre, notamment la pierre de taille, pour apporter l’inertie nécessaire. J’utilise les deux autant que je peux, en tant que ressources locales géosourcées.

Il y a quelques années, par jeu et surtout parce que le terrain s’y prêtait, j’ai conçu une maison tout bois sans béton ni ciment, délicatement posée sur des technopieux (système de fondation en tire-bouchon), perpendiculaire à une pente assez importante. J’ai essayé de remplacer les fondations métalliques par des fondations bois en acacia en utilisant la technique des piquets de clôture, sans succès cette fois-ci bien que cela fonctionne très bien ! Ce sera pour la prochaine fois. Il faut juste les entreprises et les assurances pour l’accepter…

Vous avez récemment inauguré une formation interprofessionnelle au sein d’Envirobat-BDM**sur l’adaptation du bâtiment au réchauffement climatique en région méditerranéenne. Comment avez-vous vu évoluer la prise de conscience d’un nécessaire « bâtiment durable » par la filière et par la maîtrise d’ouvrage ?

Lors de la création d’Envirobat en 2000, j’espérais que, dix ans plus tard, la machine serait lancée, que les maîtres d’ouvrage, publics notamment, auraient pris l’habitude de viser l’exigence de bâtiments durables en région méditerranéenne, et que les maîtres d’œuvre auraient acquis les compétences pour y répondre. L’inertie reste forte des deux côtés. Il me semble important qu’architectes, ingénieurs, maîtres d’ouvrage, économistes apprennent à aborder ensemble les problématiques dès l’amont des projets, notamment dès la réponse aux concours, que chacun soit conscient de l’interaction entre les choix constructifs, les choix architecturaux et les choix techniques.

Apache d’ailleurs et d’Occitanie

Hervé Meyer et Angela Moragues font route commune depuis plus de vingt ans. Il a attrapé le virus de l’architecture à Berlin. Elle a étudié à l’École polytechnique de Valencia. Rencontrés à l’École d’architecture de Paris-La Défense, ils bouclent leurs études aux Pays-Bas, le temps de gagner l’Europan 7 (qui distingue des projets innovants d’architectes européens de moins de 40 ans), puis installent leur agence dans la capitale catalane. Ils retraversent les Pyrénées en 2011, direction Montpellier, alignent cinq bâtiments en cinq ans, et autant de prix.
À l’occasion d’un chantier dans les Alpes de Haute-Provence, les Montpellierains s’arrêtent à Apt, sonnent à la porte de l’agence Frédéric Nicolas. « On a senti une communauté entre sa pratique et nos idées : le bioclimatisme, les matériaux biosourcés, la construction sèche, une implication sur le métier… », se souvient Hervé Meyer. Les deux structures fusionnent en 2020, conservant un pied en Occitanie, un autre en Provence. Actuellement, la tribu rassemble une quinzaine d’Apache.

*La face cachée du soleil : énergie solaire et architecture, de Frédéric Nicolas, Jean-Pierre Traisnel, Marc Vaye, Librairie Alternative, 1974.

**Envirobat et Bâtiment Durables Méditerranéens, aujourd’hui rassemblées sous la même bannière, ont été parmi les toutes premières associations interprofessionnelles en France à formaliser la construction et l’aménagement durables. www.envirobatbdm.eu

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