Parole d’architecte : Aldric Beckmann, « architecte plasticien »

#Architectes Publié le 18 décembre 2017 par L'Echo de la Baie

Rencontre avec Aldric Beckmann, le B de l’agence B/NT.

Le duo amical formé depuis 2002 avec Françoise N’Thépé conduit leur agence et sa quinzaine de collaborateurs sur les sentiers de la « générosité spatiale », récemment de Bordeaux (Tam Tam) et Billancourt (Unik) à Vienne (Autriche) et Yennenga (Burkina Faso), en passant par la future gare d’Aulnay, sur la ligne 16 du Grand Paris Express. Placé sous le double signe de l’élégance et de la radicalité, un cheminement porté par « un état d’esprit multidisciplinaire – design, architecture, urbanisme – mêlant citoyenneté et création artistique ».

Vous avez débuté avec François Seigneur, poursuivi chez William Alsop puis Jean Nouvel avant la rencontre avec Françoise N’Thépé et la création de B/NT… Mais auparavant, y a-t-il une œuvre, une personne, un bâtiment qui ont fait pour vous rencontre avec l’architecture ?

Aldric Beckmann : J’ai eu la chance de grandir à côté d’un artiste peintre et sculpteur de l’École de Paris, dans le cadre idyllique de la montagne Sainte-Victoire, à Aix- en-Provence. Xavier Longobardi m’a tout appris : les couleurs, les proportions, monter un tableau, cette base « beauzartienne » sans laquelle on ne peut pas avancer dans le monde de l’architecture ; c’est grâce à lui que je suis architecte et que je peins, et que je peux me qualifier d’ « architecte plasticien »…
La deuxième rencontre est avec un autre artiste, Claude Rutault, qui travaille sur l’absence de peinture à travers des œuvres isochromes. Il m’a ouvert les yeux sur la possibilité d’appréhender l’art et l’architecture différemment, en posant un œil à la fois ouvert et radical sur le monde qui nous entoure – et il a accepté ma demande d’être membre de mon jury de diplôme.

Dans la monographie parue sur l’agence*, vous pointez des maux français tels la surdensification, « la sursaturation des parcelles, qui empêchent littéralement cette fragmentation de l’architecture et de pouvoir penser des plan aérés ». Quels sont les enjeux auxquels tente de répondre votre pratique ?

Aldric Beckmann : Ce qui m’intéresse, c’est d’être à l’écoute d’un moment, d’un contexte, d’un client, et de trouver dans cette combinatoire l’alchimie qui permettra de surprendre l’utilisateur par une générosité, une audace, une possibilité de s’extraire de l’ordinaire. L’enjeu consiste alors à trouver comment détourner les programmes, requalifier les espaces, travailler les matériaux : comment le bâtiment va-t-il pouvoir prendre place dans la ville, que ce soit de façon prononcée ou discrète. En France et ailleurs, dans des environnements aussi différents que des quartiers haussmanniens ou plus faubouriens, quel que soit le type de programme – logements collectifs, habitat individuel, bureaux, équipements –, nous essayons d’intervenir en mettant en œuvre une écologie « intelligente ». Malgré tout, on bétonne, on densifie, on occupe le territoire : comment faire alors pour procéder avec une certaine douceur et, sans parler d’écologie verdoyante, développer plutôt une écologie de mixité. À ce titre, le projet de la gare d’Aulnay est passionnant, parce qu’emblématique des problématiques de la métropole : on intervient au cœur d’une urbanisation chaotique pour être catalyseur de futur développement.

Comment abordez-vous le traitement des façades, des ouvertures, de la lumière… et les innovations qui s’y rapportent ?

Aldric Beckmann : J’essaye de traiter l’apport de lumière et le jeu avec l’obscurité nécessairement toujours en lien avec la réalité des volumes : comment la sublimer ? Je tente de me dégager des systèmes normatifs notamment reproduits par l’informatique, la gestion numérique des quantités de lumière comme un diktat de l’ordinateur… Pour citer deux réalisations récentes à la fois très différentes mais emblématiques de la démarche de l’agence : la bibliothèque universitaire de Marne-la-Vallée (2012) et l’ensemble de logements Unik pour Nexity, dans la ZAC Seguin (2016). La première traduit un travail de joaillerie, avec des vitrages de très grandes dimensions, sur mesure, dans une teinte légèrement dorée, intégrés d’une part en rupture avec la vêture en béton projeté-sculpté du bâtiment principal – soit des « boîtes » vitrées de 8 m de haut comme serties dans un rocher –, d’autre part en continuité des volumes de la partie basse, de métal et de verre, en dialogue avec l’eau des douves. À Billancourt, le traitement est beaucoup plus classique – on est dans du logement – mais on a précisément fait attention à ce que le bâtiment soit très tramé, ainsi que sa vêture extérieure, à base de panneaux de verre sur une isolation par l’extérieur, ce qui a simplifié la mise en œuvre du projet.La lumière, c’est ce par quoi l’espace et la matière deviennent lisibles, c’est le détecteur de vie et de poésie, qui n’a rien à faire avec les impératifs en termes de pourcentages d’ouvertures ! Prenons les logements sociaux de la ZAC Massena, à Paris (2007), c’est bien parce qu’on est hors norme dans le positionnement et le dimensionnement des fenêtres que l’on reçoit encore régulièrement, dix ans plus tard, des courriers d’habitants pour nous dire combien ils apprécient y vivre.

Retrouvez cet article dans L’Echo de la baie n°120

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