Parole d'archi : rencontre avec Philippe Madec

#Architectes Publié le 19 avril 2022 par LAURENCE MARTIN

Face à l’urgence climatique et ses corollaires – les crises environnementales, sociétales, économiques, et forcément politiques –, l’architecte et urbaniste Philippe Madec pense, alerte et agit sans relâche depuis quarante ans. Paru l’automne dernier, son dernier livre, Mieux avec moins, creuse le sillon du « Manifeste pour une frugalité heureuse et créative » co-initié en 2018.

Dans la discussion, il peut laisser poindre des intonations de colère – contre la paresse et la peur de changer de certains « bâtisseurs de l’Anthropocène » malgré le bilan désastreux –, mais Philippe Madec prend un soin infini pour alerter sans désespérer et ne pas nourrir le flot des àquoibonnistes. Mieux avec moins* se veut « le texte de résistance d’un citoyen du monde, qui, par ses métiers d’architecte, d’urbaniste, de ménageur du territoire et d’enseignant, place les différents aspects du vivant au cœur de la conception et de la matérialisation de l’établissement humain, à toutes les échelles ». Celui qui préfère la frugalité heureuse à la sobriété triste y détaille les « bonnes nouvelles » et des solutions concrètes. Une démonstration brillante, qu’on ne lâche pas jusqu’à la dernière page.

philippe madec
Multiprimé, le pôle culturel de Cornebarrieu (31) : un bâtiment bois et terre de niveau passif. © Pierre-Yves BRUNAUD / Picturetank.

Dans Mieux avec moins, vous soulignez l’importance, dans votre parcours, de philosophes et d’architectes. Vous parlez aussi d’héritage familial. Comment avez-vous rencontré l’architecture ?

Philippe Madec : Avant l’architecture, il y a la rencontre avec la nature – et la Bretagne. Je suis fils d’ostréiculteur et petit-fils de meunier-sourcier. Le rythme des marées, l’eau que pointe la baguette de sourcier et qui fait tourner la roue du moulin, ce battement de la nature nourrit ma famille et ma relation au monde. Ma première rencontre avec l’architecture, c’est l’architecture navale : adolescent, je dessinais des bateaux. Monté à Paris pour mes études, j’ai visé le centre du centre, l’atelier d’Henri Ciriani au Grand Palais… et à la fin de mes études, je suis déboussolé : pendant sept ans on vient de m’apprendre qu’il existe une architecture qui, bien que passionnante, nie la nature. Les années qui suivent, je cherche à réconcilier l’héritage familial et la découverte du monde moderne. Jusqu’à découvrir le régionalisme critique de Kenneth Frampton. Je le rencontre en 1983 et je comprends que l’on peut être moderne et attaché à la relation nature-culture. Alors, je peux fonder mon atelier. Trente ans plus tard, je suis allé le remercier – et j’ai fait en sorte qu’il soit nommé Docteur Honoris Causa de l’université de Bretagne occidentale.

Parmi de très nombreux prix, dont les plus prestigieux, vous avez reçu deux fois celui du projet citoyen, à plusieurs décennies d’écart. En quoi ces projets sont-ils emblématiques de votre démarche ?

Philippe Madec : Faire avec les gens est un point essentiel. L’aventure de la mairie et médiathèque de Plourin-Morlaix (1991-2005) a été menée en lien fort avec les Plourinois. Quant au pôle œnotouristique de Saint-Christol, Via Vino, il nous a démontré qu’aller vers les gens permet de produire une architecture radicalement différente. C’est aussi le cas sur des projets plus vastes, comme celui de la cité Paul BONcour, que nous réalisons à Bordeaux. Plutôt que de gagner avec un projet tout fait, nous avons commencé par bivouaquer une semaine sur les lieux, puis avons rencontré les gens. Le programme a complètement changé de ce fait. Il ne devait comporter que du logement collectif aligné à la rue, on se retrouve avec de l’intermédiaire, de la maison, du collectif et une coopérative d’habitat ; techniquement, dans l’un des immeubles, on obtient du confort sans aucune ventilation mécanique, entre autres parce qu’on a mis des fenêtres dans toutes les pièces, salles de bain et wc compris. La participation citoyenne n’interdit pas l’innovation, c’est l’inverse.

[Interview à retrouver dans notre tout dernier numéro]

Pour lire la suite de l’interview :

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