Parole d’archi: Rencontre avec Didier Mignery, Upfactor
#Architectes Publié le 3 octobre 2023 par L'Echo de la Baie
À l’heure des débats sur la zéro artificialisation nette, la pénurie de logements et le financement de la nécessaire rénovation énergétique, toutes les opportunités sont à saisir. Upfactor les cherche et les trouve sur les toits. Rencontre avec son président Didier Mignery, architecte, expert et facilitateur de la densification par la surélévation.
L’Echo de la Baie : Comment avez-vous rencontré l’architecture ?
Didier Mignery : J’étais encore au lycée quand j’ai eu la chance de rencontrer un architecte en chef des monuments historiques, Didier Repellin. Il m’a fait partager sa passion pour les bâtiments du patrimoine. S’en est suivie pour moi une vraie question : comment mettre en musique les besoins des usagers dans des configurations architectoniques. Plus tard, lors de mes études à l’ENSAL (Lyon) puis à l’EPFL, à Lausanne, j’ai croisé le chemin de gens extraordinaires qui ont fait que je travaille aujourd’hui sur la surélévation.
Dès la fin de vos études, vous fondez à Paris l’agence Zoomfactor Architectes. Quinze ans plus tard, qu’est-ce qui vous mène à bifurquer avec la création d’Upfactor ?
Didier Mignery : Juste avant la création de Zoomfactor, j’avais étudié l’évolution de l’immeuble parisien en contribuant à la préparation de l’exposition « Identification d’une ville », d’Éric Lapierre (Pavillon de l’Arsenal, 2002). Cette culture du patrimoine construit a rencontré l’activité de l’agence quand, assez rapidement, nous avons conduit des réhabilitations en surélévation.
Ce sont des chantiers complexes sous beaucoup d’aspects, architecturaux, logistiques, humains. Celui de la rue de la Sablière, à Paris, a ainsi été un fil rouge de ma pratique professionnelle plusieurs années jusqu’à sa livraison en 2015, qui est précisément l’année où la nouvelle maire de Paris a proposé un plan sur la surélévation. On a senti que notre expertise pouvait aider à identifier des bâtiments dont le potentiel en la matière était difficile à évaluer. D’où la création de cette filiale, Upfactor, à l’origine un bureau d’études spécialisé dans l’accompagnement de la détection de potentiels de surélévation, via notamment des outils qui sont vite devenus des algorithmes puis un véritable outil logiciel, Upfactor Geoservice.
À combien estimez-vous le potentiel de surfaces constructibles en surélévation ?
Didier Mignery : Sur les quelque 300 000 copropriétés identifiées à l’échelle des 10 plus grandes métropoles françaises, on estime que 10% de leurs immeubles sont éligibles à la surélévation. Il y a le gisement brut et ce que les contraintes diverses permettent. Par exemple, nous venons de terminer une étude sur la ville de Nice : sur un gisement brut de 5 000 bâtiments surélevables, on atteint un potentiel effectif de 1 500 bâtiments après prise en compte du risque sismique, du DPE, des stationnements etc. Comptez une moyenne de 5 à 10 créations de logements par bâtiment surélevé, ça fait pas mal de nouveaux logements…
Quels sont les freins principaux ?
Didier Mignery : Il reste à mener un vrai travail d’acculturation des collectivités pour la prise en compte des règles d’urbanisme sur l’existant et permettre la délivrance de permis de construire. L’autre sujet, c’est l’acceptabilité des copropriétaires, où, paradoxalement, le rejet reste assez important, avec un vrai clivage générationnel. Le prix de la construction constitue un autre frein : on a recours à de la structure légère en bois ou mixte bois-métal, aujourd’hui plus chère de 20 à 30% par rapport à la construction traditionnelle, mais c’est une question d’échelle, la quantité réduira les coûts. Dernier point, les promoteurs savent qu’ils doivent changer de modèle mais ne savent pas comment ; cela les intéresse mais ils n’ont l’expertise ni de la rénovation ni des petites opérations en milieu occupé. D’où un décalage très fort entre le potentiel et le nombre d’opérateurs capables de les accompagner ! Pour avancer, on s’attache à la stratégie des petits pas… tout en envisageant de mener nous-même ces opérations pour être la rampe de lancement de plus gros opérateurs…
Comment abordez-vous la question des ouvertures ?
Didier Mignery : On fait de la construction neuve sur de l’ancienne… dès lors, on intervient quasiment sur tous les systèmes d’ouverture du bâtiment pour bénéficier des meilleures performances des menuiseries sur l’ensemble de l’immeuble. Nous aimons travailler des ouvertures qui donnent accès à des espaces extérieurs ; on en profite donc pour essayer de créer des espaces qualitatifs dans leurs jonctions avec l’extérieur. C’est le cas par exemple à Issy-les-Moulineaux, où nous avons conçu un épaississement de la façade avec la création d’une façade en menuiseries qui vient englober à la fois l’existant et la surélévation.
Sur le reste, on est très pragmatique. On utilise les matériaux au gré des besoins et de leurs performances. Nous avons une belle appétence pour l’aluminium du fait de la finesse des profils ; on apprécie le bois pour son impact carbone bien évidemment ; en montagne, on privilégiera le bois-alu… Le choix de la menuiserie est vraiment un sujet d’usage et de pérennité.
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