La Fenêtrière : « Sans plaisir, le développement n’est rien »

#Fabricants Publié le 19 avril 2022 par STEPHANIE BUITEKANT

Entreprise familiale créée en 1984, La Fenêtrière est dirigée, depuis 2005, par Catherine Guerniou. Femme d’engagement, Catherine ne cesse de s’impliquer dans différents projets pour faire avancer la profession de menuisier et, à travers elle, l’engagement humain de toute entreprise sur la société. Un échange, comme toujours, haut en couleurs, et empreint d’une réconfortante humanité.

Interview de Catherine Guerniou, Dirigeante de La Fenêtrière

Depuis dix-huit mois, vous travaillez en “circuit court”. Pouvez-vous nous expliquer de quelle manière ?

Suite au premier confinement, j’ai eu envie de créer la collection Made in Fenêtre, solutions sur-mesure, esthétiques, conçues et créées localement. C’était aussi une incitation pour la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre à acheter localement, ceci pour plusieurs raisons. Non seulement pour contribuer au développement économique de notre région, mais aussi pour assurer une parfaite traçabilité de la fabrication de chaque fenêtre. Ainsi, en cas de réparations, toutes les pièces sont inventoriées et disponibles dans des délais réduits. La fenêtre est remise à neuf sans que ses composants ne parcourent le monde entier pour parvenir jusqu’à l’utilisateur, alourdissant ainsi considérablement le coût carbone de chaque intervention. Bien sûr, acheter local coûte plus cher que se fournir en Asie. Mais, plus que jamais, il nous faut repenser l’économie pour qu’elle profite à chacun.

Vous avez également rejoint la “Convention des entreprises pour le climat”. En quoi consiste-t-elle ?

Le rapport du GIEC est édifiant : nous devons réduire de 55% nos émissions de gaz à effet de serre d’ici dix ans pour tenter de contenir le réchauffement climatique sous la barre des 2 degrés. C’est la seule condition pour permettre à nos enfants de continuer à vivre dans une atmosphère supportable.
Aujourd’hui, nous avons rejoint les 150 sociétés co-signataires de la Convention des entreprises pour le climat. Concrètement, il s’agit de réfléchir, chacune selon son activité et son organisation, sur la façon de repenser son modèle économique. Car il est de la responsabilité de tous les dirigeants d’entreprise d’initier une réflexion et de mettre en œuvre des actions pour réduire le coût environnemental de leurs activités. Dans ce contexte, la Fenêtrière a, entre autres, réalisé sa Fresque du Climat. Avec le soutien d’un animateur dédié, nous avons mené une réflexion interne dont l’expression a du être très visuelle. Nous comptons en effet parmi nos collaborateurs un menuisier sourd. Cette fresque a donc été traduite en langue des signes. Et les bénéfices sur sa pratique quotidienne ont été immédiats. Chasse aux chutes de matériaux, économies d’énergie… cette méthode d’intelligence collective permet d’obtenir des résultats concrets… et tellement motivants !

Vous êtes extrêmement engagée à l’extérieur de votre entreprise. Que vous apportent ces missions en tant que dirigeante de société ?

Je suis en effet conseillère au CESE (Conseil Economique, Social & Environnemental), troisième institution après l’Assemblée Nationale et le Sénat. J’y représente le groupe “Entreprises”. Je siège à la Commission Environnement et travaille sur des saisines du Gouvernement liées au domaine environnemental. En parallèle, avec mes collègues charpentiers, menuisiers, agenceurs… de la Fédération Française du Bâtiment, nous avons créé une association : “Nos ateliers du Grand Paris”. Nous nous attachons à promouvoir nos ateliers de proximité et l’importance de produire en local. Nous interpelons également les pouvoirs publics et les donneurs d’ordres sur l’optimisation du bilan carbone grâce à la relocalisation de la production en local. Dans le même temps, je participe à un codéveloppement professionnel où chaque membre peut soumettre une question concrète à laquelle il est confronté. Les dirigeants membres se livrent alors à une sorte d’ “audit” de la situation et proposent enfin des axes d’optimisation. C’est l’exercice auquel je me suis prêtée pour Made in Fenêtre. Aujourd’hui, nous avons sensiblement infléchi notre process de développement. Ainsi, quand un architecte ou un particulier nous appelle, nous l’envoyons vers un professionnel signataire de notre Charte éthique qui prévoit, qu’en cas de mise en contact direct avec un client, le professionnel achète ses fenêtres chez nous. Une évidence morale qu’il convenait néanmoins de formaliser ! Initiée seulement en décembre, cette charte morale semble déjà porter ses fruits.

Vous candidatez pour l’obtention de deux certifications. Dans quel but ?

Nous briguons tout d’abord la certification “Origine France Garantie” pour laquelle nous avons sincèrement toutes nos chances. Plus ardue, la certification “B Corp” distingue les entreprises qui intègrent dans leur stratégie des objectifs sociaux, sociétaux et environnementaux. Pour candidater, un travail très conséquent doit être mis en œuvre en amont. Pour ce faire, nous bénéficions d’un accompagnement par un cabinet spécialisé. Mais l’obtention de ces certifications fait partie intégrante de notre stratégie d’entreprise. La Fenêtrière doit partager avec les autres sociétés certifiées une communauté de valeurs et conjuguer but lucratif et intérêt collectif. Pratiques salariales, relations fournisseurs, impact de la production sur la biodiversité… rien ne doit être laissé au hasard. Tous les collaborateurs sont mobilisés pour nous permettre d’obtenir cette certification, qui nous donnera un sens concret aux valeurs qui nous animent.

Votre entreprise se veut également un tremplin pour les jeunes franciliens en quête d’intégration professionnelle. Concrètement, comment cela se traduit-il ?

La Fenêtrière accompagne les jeunes des cités du Val-de-Marne dans la création d’entreprise. C’est le cas en particulier de deux sœurs qui créent des papiers de décoration inspirés des wax, ces tissus africains si colorés. Nous réfléchissons actuellement à la possibilité, de créer, au sein de la collection Made in Fenêtre, une ligne Kawaxhome. Cela permettrait de proposer des designs originaux sur des panneaux de portes, tout en contribuant à lancer ces deux jeunes femmes, si méritantes. Une façon aussi d’intégrer le plaisir dans la stratégie d’entreprise. Car sans plaisir, le développement n’est rien.

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