Parole d'architecte : 3 questions à Elizabeth de Portzamparc

#Architectes Publié le 22 juin 2018 par L'Echo de la Baie

Sociologue de formation, mais aussi designer, directrice de galerie…, Elizabeth de Portzamparc, l’architecte urbaniste d’origine brésilienne vient d’inaugurer le Musée de la Romanité, à Nîmes.

Elizabeth de Portzamparc y-a-t-il une œuvre, une personne, un bâtiment qui ont fait pour vous rencontre avec l’architecture ?

Dès mon enfance, j’ai été touchée par l’architecture et plus particulièrement par le travail d’Oscar Niemeyer. Mon père, originaire de Belo Horizonte au Brésil et lui-même passionné par le travail de l’architecte, avait l’habitude de m’y emmener. J’ai rapidement compris qu’Oscar Niemeyer était un véritable pionnier de l’architecture contemporaine. Son œuvre de Pampulha, avec ses arcs asymétriques en béton marquant une rupture avec l’esthétique du mouvement moderne, en est symptomatique. Plus tard, j’ai été marquée par l’architecte Lina Bo Bardi et particulièrement par sa conception du « SESC-Pompeia » : j’en ai retenu la notion d’équipement culturel public traité telle une ville ouverte, avec des circulations intérieures fonctionnant comme de vraies rues et places urbaines. Cet espace ouvert à tous, attirant des populations de toutes catégories sociales venant découvrir l’art, le théâtre, le cinéma d’auteur et d’autres activités culturelles grâce à des équipements sociaux indispensables de grande qualité m’a beaucoup inspirée pour l’ensemble de mon travail.

Quels sont les enjeux auxquels tente de répondre votre pratique ?

Elizabeth de Portzamparc : J’estime que notre civilisation fait face à une grave crise, à la fois environnementale, sociale, économique et culturelle. Or, nous sommes nombreux à vouloir apporter des solutions architecturales concrètes et adéquates aux multiples défis contemporains. Malgré toutes les difficultés que cela suppose, j’ai orienté mes projets dans ce sens, et nous étudions avec mon équipe des solutions favorisant la mixité, la flexibilité, l’économie des formes et des matières, la préfabrication, les constructions économiques, la création d’espaces de vie collective permettant le développement de toute vie sociale et l’émergence d’actions innovantes.Elizabeth-de-Portzamparc

Le projet pour le Taichung Intelligence Operations Center (TIOC) à Taïwan offre un exemple des solutions que je propose pour faire face à l’étalement urbain, en particulier dans les métropoles : une tour de « quatrième génération », non pas comme une interruption de l’urbanité mais une prolongation de la ville. Son système structurel, un noyau central et des façades porteuses, maximise les surfaces disponibles de chaque étage et laisse les sols libres et adaptables à l’évolution des usages : elle illustre ainsi ce que j’appelle le « Total Flex », qui garantit l’évolutivité et la flexibilité du bâtiment, et que j’applique à la majorité, si ce n’est à l’ensemble de mes projets.

Concernant le Musée de la Romanité et ses enjeux urbains, l’important pour moi était de proposer un équipement ouvert qui participe à la désacralisation de la culture et de l’art, de faire pénétrer la ville dans le bâtiment et de créer au sein du bâtiment des espaces publics où les visiteurs et simples promeneurs pourraient se rencontrer. Le musée s’organise autour d’une rue intérieure qui suit les traces de l’ancien rempart augustéen et constitue un axe privilégié reliant le parvis des Arènes au jardin archéologique à l’arrière du site. Au cœur de ce passage, un large atrium révèle une reconstitution spectaculaire du propylée du Sanctuaire de la Fontaine, lieu sacré datant de la fondation de la cité à l’époque préromaine. Accessible à tous, il permet d’attirer les flux de passants du parvis des Arènes et invite à la découverte du musée et de ses collections.

Quels sont les projets emblématiques de votre approche du traitement des façades, de la gestion des ouvertures et de la lumière, des innovations qui s’y rapportent ?

Elizabeth de Portzamparc : La façade est une façon d’allier le symbole à la fonction, comme c’est le cas pour la TIOC Tower, le Musée de la Romanité et l’ensemble de mes projets, car elle est la ponctuation finale de l’écriture architecturale. Les diverses techniques et technologies employées sont mises au service de cet objectif.Celle du Musée de la Romanité se devait d’être à la hauteur de ses collections exceptionnelles. Son drapé et les carreaux de verre font songer à la toge romaine et allient la transparence moderne à la tradition d’un art majeur Romain : la mosaïque. Elle rappelle subtilement le thème du musée et ses collections qu’il accueille. Pour la TIOC Tower, les enjeux étaient différents. Dans ce cas, la façade est conçue sur le modèle d’une véritable double-peau, qui permet à la fois un entretien facilité et de s’appuyer au maximum sur la ventilation naturelle, en cohérence avec le climat taïwanais. Encore en développement, nous envisageons pour ce projet un ensemble de dispositifs technologiques qui permettraient de recourir aux énergies renouvelables, par exemple l’installation de cellules photovoltaïques innovantes qui couvriraient partiellement les besoins en énergie. Les panneaux de verre intègrent également un principe de rétroéclairage par LED. La façade bénéficie ainsi d’un éclairage modulable, qui renforce subtilement la vocation technologique de la tour, de par son esthétique numérique.

Retrouvez cet article dans L’Echo de la baie n°123

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