Joël Renault et Pascal Portelli, Fondateur de Delta Dore et Président du Directoire

#Quoi de neuf ? Publié le 13 juin 2020 par L'Echo de la Baie

Née de la crise pétrolière en 1970, Delta Dore a connu plusieurs crises. Sources d’incertitudes et de difficultés, elles ont été aussi sources d’apprentissages et de projections nouvelles vers l’avenir. A la lumière de ces expériences, quelles leçons les dirigeants de l’entreprise tirent-ils de la crise actuelle, et quelles nouvelles perspectives envisager pour demain ? Pascal Portelli, Président du Directoire de Delta Dore, et Joël Renault, Président fondateur de l’entreprise, se sont prêtés au jeu de l’interview.
Regards croisés sur l’impact des crises passées et en cours sur Delta Dore.

pascal portelli joel renault delta dore

Qu’avez-vous appris des crises passées chez Delta Dore ?

Joël Renault : En 50 ans, DELTA DORE a vécu 7 crises plus ou moins importantes. C’est un cycle quasi régulier de 7 ans : pendant 2 ans, tout le monde se mobilise pour redresser la barre. Pendant 3 ans, tout le monde semble être devenu raisonnable. Pendant 2 ans, tout le monde oublie, rebelote dans les excès… et crac … re-crise !
En 1973 et 1980, les 2 crises du pétrole ont été pour DELTA DORE révélatrices du bon choix d’activité faite à la création en 1970. J’ai écrit alors : « On ne pourra pas continuer impunément dans ce beau monde à gaspiller les énergies… »
Quand on crée une entreprise personne ne nous attend, il faut donc essayer d’être visionnaire. Trois thèmes qui semblaient porteurs à l’époque ont été choisis : Energie, Santé, Loisirs. Après les 2 crises, le choix fait de la maîtrise de la consommation d’énergie a été confirmé et depuis nous n’avons pas dérogé, tout en suivant tous les caprices des politiques et en y intégrant l’évolution des technologies.

Quels sont leurs impacts et comment vous ont elles permis de progresser ?

Pascal Portelli : Les crises sont des révélateurs : c’est dans ces moments difficiles qu’on voit clairement qui est solide et qui ne l’est pas, qui a de la volonté et qui n’en a pas, qui a du cœur et de l’envie et qui « sonne creux ». C’est vrai pour les humains comme pour les organisations. Les crises mettent à nu nos faiblesses.
On ne peut plus procrastiner ou se trouver des excuses, sinon on se met en danger de mort. Les paroles ne suffisent pas, il faut agir, et vite.
Elles révèlent aussi nos générosités et tout ce que l’espèce humaine a de meilleur. Deux citations de Churchill sur la guerre résument tout cela, en évoquant le peuple anglais au début du blitz, et les pilotes de la RAF à la fin :
« De la sueur, du sang, des larmes » et « jamais tant de gens n’ont dû autant à si peu ».

Joël Renault : Les crises sont toujours une leçon pour les dirigeants d’entreprise, encore plus lorsqu’elles sont patrimoniales. En effet, toute entreprise en développement a tendance à courir après la croissance pour ne pas risquer de se faire absorber, à moins que ce ne soit un choix, se vendre.
Il est difficile de savoir ce que seront les décisions des héritiers de DELTA DORE ; c’est la raison pour laquelle il faut profiter des crises pour remettre les pendules à l’heure en manageant au mieux l’avenir :
– A court terme, se serrer les coudes, serrer les boulons et jauger l’état d’esprit des équipes sur lesquelles on peut s’appuyer : la crise est un révélateur !
– A moyen terme, analyser et remettre en cause certains choix qui peuvent s’avérer non probants pour l’avenir : c’est le flair du manager !
– A long terme, exprimer une vision stratégique la plus claire possible pour motiver les troupes et revisiter la culture de l’entreprise, sans oublier de faire évoluer les structures avec un seul objectif : la satisfaction pour le bien de tous, à la limite d’un tout mondial !

En quoi cette crise est-elle différente ? Quelles traces indélébiles (positives et négatives) pourrait-elle laisser ?

Pascal Portelli : Cette crise est unique en ce qu’elle frappe durement et simultanément l’ensemble de l’humanité. La grippe espagnole a fait beaucoup plus de morts, mais elle n’a pas arrêté l’économie. Les guerres mondiales étaient des cataclysmes, mais de vastes régions du globe n’étaient pas impactées. Les traces profondes seront nombreuses : les morts de l’épidémie sont insupportables mais le chômage et la misère qui s’ensuivra sera plus terrible encore, même si la France et l’Europe, avec leur richesse et leur modèle social protecteur, s’en sortiront bien mieux que d’autres. Je ne crois pas en une remise en cause totale de notre modèle économique.
En revanche, je pense que des améliorations de fond sont souhaitables : solidarités renforcées, production locale, circuits courts plus écologiques, entreprises à mission plus conscientes du bien public et moins obsédées par le profit, soucis du long terme. Delta Dore était déjà engagé dans ces dimensions avant la crise, et de longue date !

Joël Renault : Cette crise est unique car à la fois sanitaire, mondiale et, par conséquences directes, économique. De plus, elle est à contre-courant du cycle habituel, même si certains signes d’excès étaient perceptibles pour une suivante économique.
Cette crise a été et est commentée à tout va par les médias qui ne veulent pas se laisser dépasser par les réseaux sociaux et leurs excès, à la limite de l’incongruité dans certains cas : la course à l’info vraie ou fausse ! Des traces indélébiles en bien ou mal, il y en aura ; mais la nature humaine et collective est telle que le désir de vivre et d’en profiter risque d’atténuer les bons côtés climatiques, sanitaires et solidaires révélés pendant la crise. Malheureusement, côté négatif, au-delà de toutes ces familles touchées irrémédiablement, la pauvreté mondiale risque de s’amplifier, avec tous les excès que l’on connaît : d’une part, le désir de survie est révolution. D’autre part, l’émigration vers les zones riches, dont l’Europe, risque de s’amplifier, avec des risques forts de rejet.

L’avant et l’après-confinement : comment envisagez-vous l’avenir ?

Pascal Portelli : Il est important que l’optimisme revienne et que nous sortions de la paralysie économique. Je pense que ce sera le cas. Des habitudes prises en confinement resteront : davantage de télétravail, davantage d’e-commerce.
Des choses qui semblaient impossibles sont maintenant normales : dépanner de l’électroménager en visioconférence sur son smartphone, par exemple. Cela aura des impacts sur le marché de l’immobilier ou sur le type de produits demandés. Et sur le support client attendu. Les gens seront encore plus attentifs à l’avenir de la planète et à la qualité de l’environnement, mais a contrario la chute récente du coût du pétrole diminuera le ROI de certaines économies d’énergie. Je pense que le côté pratique du digital sera encore plus attractif dorénavant.

Joël Renault : L’économie est paralysée, en sortir ne va pas être si simple, mais les humains collectivement ont de la réserve à revendre y compris en innovant à tous les niveaux ; je n’ai pas de doute sur le résultat !
Vu mon expérience, à chaque crise, j’ai constaté un effet ressac positif ; ce qui me gène c’est la notion de temps, qui sera d’ailleurs très variable suivant les secteurs d’activité. Et dans la foulée, comment sera résolu le problème de ceux qui resteront au bord du chemin ? Déjà, la numérisation-robotisation pose le problème de cette reconversion humaine et de l’évolution de la formation ; l’après COVID en renforcera la nécessité.
Les politiques et les organismes représentatifs auront beaucoup de mal à trouver un terrain d’entente, et après combien de temps de palabres. Les bons compromis auront du mal à s’imposer, car tout le monde dépend de tout le monde, et il est impossible de régler les problèmes posés tout seul dans son coin : la France c’est l’Europe, l’Europe c’est le monde !
Pour DELTA DORE cette crise doit aussi être regardée comme une opportunité, car plus que jamais la domotique va être impactée par le fait climatique.
Pour entrer de plein pied dans cette évolution, il faut y aller en y associant les forces vives de plusieurs entreprises complémentaires motivées et aptes à faire bloc : c’est aussi cela, l’Industrie 4.0.


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